Notes de mise en scène par José Exélis

Lorsque j’ai découvert la trilogie Amour, colère et folie de Marie Vieux Chauvet, une urgence s’est imposée à moi ; faire entendre le texte, le désosser, le triturer, l’interroger sans relâche, se laisser surprendre par lui jusqu’à l’étourdissement. La langue de Marie CHAUVET est luxuriante, indicible. Elle nous dit les mots et les maux qui font mal, qui vous transpercent, qui vous émeuvent, qui vous font sourire et vous donne de l’espoir. Oui, car c’est aussi d’espoir qu’il s’agit, cette humanité grouillante qui jamais ne se laisse abattre.

Un peuple ayant réinventé la poésie pour restaurer sa dignité. La mise en scène s’attachera à dire cette urgence poétique, à restituer cette atmosphère quasi apocalyptique, réalisme cauchemar merveilleux ? Haïti, première république noire de la Caraïbe ou la peur, la misère, l’amour, l’imaginaire foisonnant, les mots en rafale, la folie et l’ultime côtoient les anges.

Dans cette adaptation de Folie, on entend le récit et le point de vue de Cécile, jeune femme dont le principal protagoniste du roman, René, est amoureux ; je l'ai demandé ainsi au dramaturge José Pliya, qui m'a suivi dans cette direction. Ce point de vue faisait sens et cohérence avec les deux autres textes adaptés de la trilogie, « Amour » et « Colère », qui partaient du ressenti de la femme face à l'amour, la colère et la folie.

Volontairement, je dresse ces notions en tant qu'épiphénomène, mais surtout comme des drames distanciés et vécus aussi de l'intérieur, avec une acuité rare ! Ces différents partis pris dramaturgiques me semblent plus justes et judicieux pour parler de ces réalités d'Haïti à transcender, aujourd’hui, ici et maintenant !

En adoptant ce point de vue, l'histoire racontée à travers les yeux de cette jeune femme, Cécile, devient ainsi singulièrement l'allégorie de cette Caraïbe saturée de paradoxes historiques, ethniques, sociologiques, avec la même constante dans le temps que l'on feint de ne pas voir et entendre : Les drames larvées ou pas de la dépossession avec ses florilèges et cortèges de corollaires encore à décrypter car relevant du mystère …de ceux qui font l'histoire et la défont !

Folie est un travail sur le corps, le souffle et la voix. Comme tout travail de monologue, l'acteur doit être serré au plus près, tout en lui laissant une marge pour s'approprier l'histoire à raconter.

La forme emprunte au récit, tour à tour épique, romantique, dramatique. La mise en scène joue sur des ellipses volontaires pour créer un espace imaginaire dans lequel le spectateur peut s'immerger à loisir et se faire sa propre idée et réinterprétation.

La mise en scène s'appuiera aussi sur une chorégraphie ternaire, corps martyre, corps soumis, corps affirmé et révolté, dans une montée dramaturgique, laissant entrevoir les lents soubresauts de la prise de conscience d'être là au monde, comme on le dit ironiquement dans la Caraïbe : « nous sommes laids mais nous sommes la ! » (parole populaire de la caraïbe).

2011