Moi, chien créole de Bernard Lagier
Une co-production du Théâtre du Grand Jour et de l'Artchipel, Scène nationale de la Guadeloupe, en co-diffusion avec le CMAC, Scène Nationale de la Martinique, Le Théâtre français du Centre National des Arts et du Canada et Espace Libre. En partenariat avec le Centre Culturel de Rencontres de Fonds St-Jacques et ETC Caraïbes.
Musique originale : Larsen LUPIN
Scénographie et costume : Bénédicte MARINO
Eclairages : Glen Cahrles LANDRY
Maquillages : Angelo BARSETTI
Conseiller à la dramaturgie : Olivier KEMEID
Assistance à la mise en scène et régie : Jean GAUDREAU
Direction de production : Marie-Hélène DUFORT
Direction technique et éclairagiste associée : Anne-Catherine SIMARD-DERAPSE
Direction technique (construction et transport des décors) : Nicolas MARION
Construction des décors : Atelier de L'ETABLI
Graphisme : BUNGALOBUNGALO
Photographies : Yannick MACDONALD
Mise en scène: Sylvain BELANGER
Avec: Erwin WECHE
On ne met pas en scène n'importe comment n'importe quel texte. Il doit exister un rapport de contiguïté, de connivence entre la lecture du texte et la façon de montrer ce que l'on a retenu de la lecture de ce texte. Par exemple il est difficile de faire du baroque avec un texte de Marguerite Duras. On peut le faire mais ce n'est en aucun cas une obligation. Il est des textes dans les Antilles symptomatiques de ce que Jacques André dans " L'inceste focal " repère comme une écriture emphatique liée à un investissement narcissique de la langue dominante, la langue du maître. L'auteur caresse longtemps les mots avant d'en livrer l'éclat. Plaisir de l'envolée qui fait retour sur aile etc.
Le texte, Moi, Chien créole, de Bernard Lagier en est un bon exemple (" Il clamait en français mon bon Monsieur Lacolas!! Quelle leçon pour moi qui rêve de pouvoir déclamer en français un jour peut être... ") avec quelques facilités inhérentes au genre. Le mutisme n'est pas simplement le mutisme c'est un mutisme mortel par exemple. Bon, il y a des auteurs qui se regardent écrire, sensibles à la musicalité de la phrase ils s'étourdissent et se paient de mots. En ce sens le texte de Bernard Lagier est un beau texte, agréable à lire et à entendre donc, et au delà des apparences peut-être pas facile à mettre en scène.
Le metteur en scène Syvain Bélanger a demandé au comédien Erwin Weche de - comment dire?- pas vraiment jouer - pas même mettre en espace mais disons mettre en bouche ce texte. La mise en scène est tellement minimaliste qu'on peut se demander si elle ne finit pas par disparaître noyée dans le parti pris de vociférer le texte sur le registre unique mais néanmoins modulé de la crispation. Mâchoires tendues, muscles des bras bandés, à genoux, à quatre pattes ou debout la mimique est la même et le registre immuable. Au foisonnement des images du texte le metteur en scène oppose le dépouillement si ce n'est l'indigence du jeu sur le plateau. Le débit accéléré des mots, l'absence de ponctuation, de silence, de pause, de respiration en un mot l'absence de lecture tout simplement, uniformise et aplatit les effets de prose de l'auteur au point de noyer le sens dans un amphigouri duquel émergent les figures on ne peut plus originales de la femme phallique et castratrice,(" Au secours man Famedeline ka pijé gren mwen "), des deux compères ambivalents (" Lacolas en prenant [ Titurpice] sous son aile protectrice lui apprit à pacser avec le rhum ") et du chien philosophe (" Moi chien créole j'en tirai une leçon : Lé en nonme ka fond' en myel ba en femm mwen pa ka chéché niche miel ta la pass fok pa konfond' anmin oué ek lanmou. ").
La construction de la réception du texte par le spectateur est rendue impossible par l'effacement des éléments structurants que sont les adresses du discours : qui parle à qui? qui peut parler à qui? Comment parler à qui et de quoi? Cette disparition des adresses signe le refus (l'incapacité?) de choisir dans la multiplicité des codes existants et manipulables du texte de Bernard Lagier. La quasi absence de ponctuation dans le texte de Lagier offre une fabuleuse opportunité de scansion, de découpe, de modulation, de création de sens et d'équivoques que le metteur en scène délaisse en dehors de toute justification théâtrale. Dès lors la construction par le spectateur de la narration, pour ne pas évoquer celle de l'action, est hypothéquée par le parti pris réducteur du mode d'oralisation. Le texte finit par disparaître ou devenir inaudible tant l'inadéquation est grande entre le style de l'écriture et la forme sous laquelle elle est offerte à l'écoute du public.
L'occupation de l'espace est d'une originalité du même acabit. Le comédien pousse la voix dans un cercle de trois mètres de diamètre parce que le marqueur de parole se doit d'être dans un cercle pour qui n'aurait pas compris. Est-il pour autant mauvais? Non pas, loin s'en faut, mais s'il habite le texte de façon indéniable, il le fait de manière univoque et pour finir lassante.
Les ressources financières et matérielles que convoque ce spectacle sont impressionnantes à la hauteur des soutiens dont il bénéficie ( cf. ci-après, la liste non-exhaustive). Et si le résultat est inversement proportionnel aux moyens mobilisés c'est qu'il faut se réjouir du sens de la gratuité et de l'absence de R.C.B. (Rationalisation des Choix Budgétaires) qui président une politique culturelle non discriminante en Martinique!!
Roland Sabra
Ce texte a paru pour la premiere fois sur le site http://www.madinin-art.net
MOLIERE Folie's ou l'ébauche d'un projet intéressant
L'idée du Théâtre du Flamboyant de Lucette Salibur est excellente : faire découvrir à la génération du zapping quelques textes de Molière. Comment? Et bien en montant un zapping de scènes issues des pièces du directeur de l'illustre théâtre! Michel Dural, professeur de Lettres et de Théâtre, bien connu dans le monde théâtral martiniquais a donc été chargé d'une adaptation, un choix d'extraits, de répliques quelques fois écourtées mais toujours fidèles à l'esprit de la pièce en un mot : d'un montage de textes en forme de « promenade guidée dans l'œuvre de Molière. » selon les propres termes de Michel Dural. Le choix des scènes qu'il a retenues lui appartient et chaque amateur en ferait un différent selon son coeur mais commencer par « L'impromptu de Versailles » est assez judicieux. Enfin l'adaptateur propose et le metteur en scène dispose.
Ce qui a été montré Jeudi 14 juin dans la Salle Aimé Césaire du Lycée Schoelcher était encore brouillon, mal ficelé, inégal, pour tout dire peu abouti. Deux locomotives tirent tant bien que mal, le spectacle. Daniely Francisque, solide comédienne avec une belle palette, dans un jeu très physique et enlevé est, par exemple mais il en est d'autres, une « Martine » pétillante, pétulante et effrontée comme il faut. Amel Aïdoudi explosive comme à l'accoutumée nous a paru un peu en retrait par rapport à ce dont elle est capable pour peu qu'elle soit effectivement dirigée. Mais l'ensemble du jeu manque cruellement d'homogénéité tant les deux comédiens sont en retrait par rapport à leur partenaires féminines.
Ce qui est tout à fait excusable pour Marceau Alcindor, comédien débutant l'est beaucoup moins pour Hervé Deluge qui cumule les fonctions de comédien et metteur en scène. Serait-ce l'offenser que d'écrire que ce soir là il a montré qu'il serait préférable qu'il fasse un choix et qu'il a peut-être plus d'avenir, avec du travail, comme metteur en scène que comme comédien? Que de passer d'un rôle à un autre en un clin d'oeil exige du comédien une disponibilité largement oblitérée, dans le cas présent, par le regard obligé de la mise en scène? Que par exemple terminer par une scène de Scapin, non maîtrisée, trop courte pour créer une situation théâtrale juste est une erreur? Que cette erreur est soulignée à contrario par la scène du « Tartuffe », relativement homogène qui précède? Que cela provoque une retombée de l'attention dommageable à l'ensemble du spectacle? Que l'absence de Molière sur scène, mais néanmoins personnage central, s'il en est, de la pièce n'est pas résolue malgré quelques trouvailles?
Les costumes ont une touche « Lucette Salibur » reconnaissable par le soin et le détail agréable à voir. Ce spectacle, facilement transportable d'un lieu à un autre, qualité importante pour le faire voyager dans les établissements scolaires, largement perfectible, mais il n'en était qu'à ses tous premiers pas est une bonne idée qu'il faut laisser mûrir pour la mener à son terme. Le mieux n'est pas (toujours) l'ennemi du bien.
En Juillet prochain le Théâtre du Flamboyant devrait présenter « Mes krik et tes krac» d'après une idée originale de Daniely Francisque dans une mise en scène de Lucette Salibur. A la rentrée en octobre 2007 nous devrions voir de la même metteure en scène « Le collier d'Hélène » de Carole Fréchette et puis à une date non précisée « Les gens d'ici », ou des marionnettes pour la planète Martinique, un spectacle de rue en cours d'élaboration dans le « labo-théâtre » de l' Espace A'zwel [1] de la compagnie où une journée portes-ouvertes est par ailleurs organisée le samedi 23 juin 2007 de 15h 30 à 18h.
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Centre commercial La Fontaine - Les Hauts de Terreville - 97233 Schoelcher Tél : 0596 66 25 81 - Fax : 0596 64 83 21 - E-mail : lazwel@gmail.com
Roland Sabra
Texte paru pour la première fois sur le site http://www.madinin-art.net
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