Vol. 5, No. 3 (Spring 1998)
The Global Movement to Ban Landmines
- Brian Tomlin - From the Editor
- Lessons From the Ottawa Process
Hon. Lloyd Axworthy - On a Fast-Track to a Ban: The Canadian Policy Process
Brian W. Tomlin - Negotiating in the Ottawa Process: The New Multilateralism
Michael Dolan & Chris Hunt - The United States and the Ottawa Process
Beth A. Fischer - Europe and the Ottawa Process: An Overview
David Long & Laird Hindle - Harnassing Change for Continuity: The Play of Political and Economic Forces Behind the Ottawa Process
J. Marshall Beier & Ann Denholm Crosby - International Norms and the Mines Taboo: Pulls Toward Compliance
Richard Price - (Re)presenting Land Mines from Protector to Enemy: The Discursive Framing of a New Multilateralism
Miguel de Larrinagas & Claire Turenne Sjolander - Democratization of Foreign Policy: The Ottawa Process as a Model
Max Cameron
Policy Options / Options politiques
Book Reviews
Lessons From the Ottawa Process
Hon. Lloyd Axworthy
On a Fast-Track to a Ban: The Canadian Policy Process
Brian W. Tomlin
Public opposition to the existing policy on the ban of anti-personnel mines served as a catalyst that dramatically transformed an element of Canadian policy and, more importantly, culminated in an international prohibition of the production and use of a weapon of war, providing the Canadian government with a diplomatic triumph. Tomlin describes how the issue of anti-personnel mines evolved from being "that most wretched of policy dogs for bureaucrats -- a loser" to become a top priority on the Canadian government's decision agenda. He provides detailed explanations of the two key elements of the policy process, namely agenda setting and the development of policy alternatives. John Kingdon's policy model is used in the analysis to describe how the mines issue rose to the top of the decision agenda and why a Canadian-led initiative for a global ban on mines became the preferred policy alternative for the Canadian government, ultimately leading to the policy process that enabled Canada to propose to the world that it follow the path that is now known universally as the Ottawa Process.
L'opposition populaire à la politique existante sur l'interdiction des mines antipersonnel a été le catalyseur de l'infléchissement radical d'un des éléments de la politique canadienne et, ce qui est peut-être plus important encore, elle a fini par faire mettre hors la loi au plan international la fabrication et l'utilisation d'une arme de guerre, offrant par le fait même au Canada un triomphe diplomatique. Tomlin décrit l'évolution du dossier des mines antipersonnel qui, alors qu'il était pour les fonctionnaires « l'archétype d'une cause politique perdue d'avance », est soudainement devenu la toute première priorité à l'agenda des décisions du gouvernement. Il explique en détail les deux éléments clés du processus d'élaboration de la politique, en l'occurrence l'établissement d'un agenda et la mise au point des différentes pistes politiques possibles. Il utilise pour son analyse le modèle de politique de John Kingdon afin de montrer comment le dossier des mines s'est hissé au sommet de la liste des décisions de politique et pourquoi une initiative pilotée par le Canada pour assurer l'interdiction des mines à l'échelle planétaire est devenue, pour le gouvernement canadien, l'option politique privilégiée, une option qui allait en fin de compte conduire au processus politique grâce auquel le Canada put proposer au monde entier d'adopter la démarche désormais universellement appelée « le Processus d'Ottawa ».
Negotiating in the Ottawa Proces: The New Multilateralism
Michael Dolan and Chris Hunt
The Ottawa Process is inexplicable in the context of conventional international relations. The process was driven by a nexus of NGO and state - a "bottom up" process compared to the Certain Conventional Weapons (CCW) process and process represented by the Conference on Disarmament (CD). The states pushing the ban campaign were, for the most part, traditional followers rather than global leaders. According to Dolan and Hunt, a more sober assessment of the multilateral negotiation process reveals somewhat more ambiguity than supporters of the so-called "multilateral innovative process" acknowledge. This ambiguity reflects the schizophrenic nature of multilateralism in the contemporary era. The authors examine the multilateralism underpinning the Ottawa Process and how the negotiations competed with the parallel, existing CCW process and the anti-personnel mine discussions in the CD, in the months prior to the Oslo Diplomatic Conference in September 1997. Since the Ottawa Process could not have happened under conventional international relations, the authors examine not only how it did happen, but also the nature of the negotiation process itself. "Old" and "new" diplomacy are both examined and applied to the land mine negotiations and to the larger Ottawa Process.
Le Processus d'Ottawa est impossible à expliquer dans le contexte des relations internationales au sens classique. Animée par une symbiose État-ONG, et contrairement au processus suivi pour certaines armes conventionnelles (le processus CAC) et à celui représenté par la Conférence sur le désarmement, cette démarche s'est effectuée de bas en haut. Les États qui militaient en faveur de l'interdiction étaient pour l'essentiel davantage des pays de second plan que des grandes puissances du monde. Dolan et Hunt postulent qu'une analyse plus réfléchie du processus de la négociation multilatérale révèle quelque peu plus d'ambiguïté que ne le reconnaissent les tenants de ce qu'on est convenu d'appeler le « processus multilatéral innovant ». Cette ambiguïté traduit bien le caractère schizophrène du multilatéralisme à l'ère contemporaine. Les auteurs exposent le multilatéralisme sous-jacent au Processus d'Ottawa et expliquent en quoi les négociations vinrent concurrencer, durant les mois qui ont précédé la Conférence diplomatique d'Oslo en septembre 1997, le processus CAC parallèle qui était déjà engagé, ainsi que les discussions sur les mines antipersonnel tenues dans le cadre de la Conférence sur le désarmement. Puisque le Processus d'Ottawa n'aurait pu avoir sa place dans les relations internationales classiques, les auteurs montrent non seulement comment il a pu survenir, mais également ce qui a caractérisé le processus de négociation proprement dit. Ils comparent la Avieille@ et la « nouvelle » diplomaties et étudient la façon dont elles ont été utilisées lors des négociations ainsi que pendant le Processus d'Ottawa dans son ensemble.
The United States and the Ottawa Process
Beth A. Fischer
The United States has been sharply criticized for its decision not to sign the Ottawa Convention to ban anti-personnel mines (APM). Washington's decision is rather puzzling, if one considers the US's earlier stand on land mines. Fisher analyzes several factors which may have played an influential role in the decision making process. These factors include: international factors (the process and style of the negotiation process and the role of NGOs); domestic factors (the influence of bureaucratic factors, Congress, interest groups, and public opinion); and individual-level factors (Clinton and Albright's position, to name a few). The APM issue exposes some important aspects of U.S. foreign policy-making in the post-Cold War world and illustrates the United States'changing position in the international community.
Les États-Unis ont été vertement critiqués pour leur décision de ne pas signer la Convention d'Ottawa interdisant les mines antipersonnel. Cette décision de Washington est quelque peu étrange étant donné la position que les Américains avaient jusque là adoptée dans ce dossier. Fischer analyse plusieurs facteurs qui ont peut-être joué un rôle primordial dans le processus décisionnel, et notamment la conjoncture internationale (le processus et le style de négociation et le rôle des ONG), la conjoncture domestique (l'influence de la bureaucratie, du Congrès, des groupes d'intérêt et de l'opinion publique) et le rôle de certains protagonistes (Clinton et la position d'Albright entre autres). Le dossier des mines antipersonnel met en lumière certains aspects importants de l'élaboration de la politique étrangère des États-Unis dans le monde de l'après-guerre froide et illustre la mouvance de la position de ce pays dans la communauté internationale.
Europe and the Ottawa Process: An Overview
David Long & Laird Hindle
Leadership of the Ottawa Process is usually attributed to the International Campaign to Ban Landmines (ICBL) and the Canadian Government. Yet, the campaign to ban anti-personnel mines began in part as a European initiative. However, European states took widely different approaches to the Ottawa Process, from the enthusiastic supporters, through the initially unconvinced but ultimately persuaded, to the recalcitrant few. Long and Hindle provide an overview of the behaviour of European states regarding the ban on anti-personnel landmines and highlight the different reasons states signed the Ottawa Treaty.
On attribue en général à la Campagne internationale contre les mines terrestres (CIMT) et au gouvernement canadien l'initiative du Processus d'Ottawa. Or, le mouvement pour l'interdiction des mines antipersonnel a en partie pris naissance en Europe. En revanche, le Processus d'Ottawa a suscité de la part des États européens toute la palette des attitudes: certains affichèrent un appui enthousiaste alors que d'autres, peu convaincus au départ, finirent par se laisser persuader et que certains, plus rares, demeurèrent récalcitrants. Long et Hindle offrent un aperçu des réactions des États européens au projet d'interdiction des mines antipersonnel en relevant les différentes raisons pour lesquelles les différents États ont signé le Traité d'Ottawa.
Harnassing Change for Continuity: The Play of Political and Economic Forces Behind the Ottawa Process
J. Marshall Beier and Ann Denholm Crosby
The Convention on the Prohibition of the Use, Stockpiling, Production and Transfer of Anti-Personnel Mines and on Their Destruction, generally portrayed as a practical application of the emerging dicourse on 'human security,' has been widely hailed as a triumph of an emerging global civil society, transcendent of the particularistic interests of states in the international system. Questions remain, however, as to whether the Convention represents significant changes in state understandings of what constitutes security and for whom, and whether elements of an emergent global civil society acted as agents of that change or served as a conduit through which broader military, political and economic forces could find new ways to realize old interests. From within a 'human security' perspective, these questions are explored with regard to the interests involved in implementing the four pillars of the Convention - the ban on the use of anti-personnel landmines, the ban on their production, the obligation to demine the world's minefields, and the concomitant obligation to aid in the rehabilitation of mine victims and the reconstruction of their social and economic environments.
La Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, qui est généralement présentée comme l'application pratique du nouveau discours sur « la sécurité humaine », a été acclamée de toutes parts comme étant le triomphe d'une société civile planétaire en devenir qui transcende les intérêts particularistes des États constituant le système international. Il n'empêche qu'on peut encore se demander si la Convention représente effectivement une évolution significative de l'entendement qu'ont les différents États de ce qui constitue la sécurité, et la sécurité de qui, et si des éléments d'une société civile planétaire en devenir ont été soit les vecteurs de cette évolution, soit un canal grâce auquel des forces militaires, politiques et économiques au sens plus large pourraient trouver de nouveaux moyens pour garantir des intérêts de longue date. Vues sous l'angle de Ala sécurité humaine@, ces questions sont analysées eu égard aux intérêts mis en jeu par l'application des quatre piliers de la Convention qui sont l'interdiction d'utiliser des mines antipersonnel, l'interdiction d'en fabriquer, l'obligation de neutraliser les champs de mines du monde entier et celle, concomitante, d'aider à la réadaptation des victimes et à la réhabilitation de leur environnement socio-économique.
International Norms and the Mines Taboo: Pulls Toward Compliance
Richard Price
This paper examines the Ottawa Treaty's ban on anti-personnel landmines as a new norm in the international system. The author assesses the strength of the AP mines taboo by comparing it to other international norms and the factors that have facilitated or undermined compliance. The paper suggests that, while it is unlikely that the ban on landmines will immediately and completely prevent their use, it would be unfair to conclude that the ban is therefore a failure. Rather, it would be more appropriate to judge the effectiveness of the norm by whether or not it helps ease the problem that it was designed to solve--in this case, the 26,000 casualties caused by landmines every year. The author concludes that the AP mines ban was a necessary complement to demining efforts, and that it is likely that the new norm can and will contribute to a meaningful decrease in landmine deaths.
Ce texte présente l'interdiction des mines antipersonnel contenue dans le Traité d'Ottawa comme une nouvelle norme dans le système international. L'auteur évalue la puissance du tabou décrété contre les mines antipersonnel en comparant celui-ci à d'autres normes internationales et aux facteurs qui en ont facilité ou entravé l'application. Selon lui, même s'il est peu vraisemblable que l'interdiction des mines terrestres ait pour effet d'arrêter immédiatement et totalement leur utilisation, il serait injuste de conclure que cette interdiction est pour autant un échec. Il conviendrait plutôt de porter un jugement sur l'efficacité de la norme en fonction de ce qu'elle aura pu faire pour mitiger le problème auquel elle était censée apporter une solution, en l'occurrence les 26.000 victimes que font chaque année les mines terrestres. L'auteur conclut que l'interdiction des mines antipersonnel est un complément indispensable aux efforts de déminage et que, selon toute probabilité, la nouvelle norme peut et va effectivement contribuer à faire diminuer sensiblement le nombre des victimes des mines terrestres.
(Re)presenting Land Mines from Protector to Enemy: The Discursive Framing of a New Multilateralism
Miguel de Larrinagas and Claire Turenne Sjolander
The Ottawa Process leading to the international ban on anti-personnel mines has been portrayed as a example of the New Multilateralism. In evaluating this claim, de Larrinaga and Turenne Sjolander trace the way in which the meaning attributed to landmines has been contested. They argue that the success of the NGO coalition in bringing landmines to the fore of the international agenda depended on their ability to redefine landmines as a humanitarian issue, rather than a legitimate weapon in the arsenals of the sovereign state as 'protector' of civil society. The discursive focus on landmines as a scourge against humanity had the potential to fundamentally question the state's responsibility in legitimizing the production and use of landmines. This potential for fundamental questioning is eclipsed by a further discursive turn, through which landmines themselves are seen to be the 'enemy'. This allowed states to dissociate themselves from their role in the production and use of landmines, allying themselves with civil society actors, and thus permitting states to take a leadership position in negotiating the Ottawa Convention. The New Multilateralism of the Ottawa Process, therefore, remained one defined primarily by the multilateralism of states.
Le Processus d'Ottawa conduisant à l'interdiction au plan international des mines antipersonnel a été présenté comme un exemple du nouveau multilatéralisme. Pour juger du bien-fondé de cette prétention, de Larrinaga et Turenne Sjolander rappellent en quoi la signification donnée aux mines terrestres a été remise en cause. Ils postulent que si la coalition des ONG a réussi à faire passer ce dossier à l'avant-scène de l'agenda international, c'est qu'elle a su redéfinir les mines antipersonnel plutôt sous l'angle humanitaire que sous l'acception d'arme légitime dans l'arsenal de l'État souverain qui en faisait un « protecteur » de la société civile. Cette insistance discursive à faire des mines terrestres un fléau pour l'humanité donnait la possibilité de remettre fondamentalement en cause la responsabilité qu'a l'État de légitimer leur production et leur utilisation, possibilité par ailleurs éclipsée par un second virage discursif grâce auquel les mines elles-mêmes devenaient « l'ennemi ». Ce discours doublement discursif allait permettre aux États de se dissocier de leurs rôles de producteurs et d'utilisateurs en s'alliant aux acteurs de la société civile et, partant, d'assumer une fonction de leadership lors des négociations sur la Convention d'Ottawa. Ainsi, le nouveau multilatéralisme du Processus d'Ottawa allait-il essentiellement rester défini par celui-là même des États.
Democratization of Foreign Policy: The Ottawa Process as a Model
Max Cameron
Does the Ottawa Process leading to the signing of an international treaty to ban anti-personnel (AP) land mines in December 1997 represent an example of the democratization of foreign policy through the construction of a partnership between government and civil society? There are two contending views of the democratization of foreign policy. The first is that existing institutions of representation provide an adequate framework for foreign policy-making. The second is that the quality and performance of democracy would be enhanced by more active public engagement in the foreign policy process. The author argues in favor of the second view, and shows that public diplomacy modeled on the Ottawa Process has the potential to contribute to the quality and vitality of liberal democratic institutions. Moreover, the author finds little evidence to support two objections: 1) that a consultative foreign policy leads to the co-optation of non-governmental organizations (NGOs); or 2) that public diplomacy makes policy makers virtual 'hostages'of the NGOs.
Le Processus d'Ottawa qui a conduit à la signature, en décembre 1997, d'un traité international interdisant les mines antipersonnel représente-t-il un exemple de démocratisation de la politique étrangère par l'édification d'un partenariat entre l'État et la société civile? Deux points de vue sur la démocratisation de la politique étrangère se font en fait concurrence. Selon le premier, les institutions représentatives actuelles offrent déjà un cadre adéquat pour l'élaboration de la politique étrangère. Le second postule que la qualité et la performance de la démocratie se trouveraient rehaussées par une participation plus active du public dans le processus conduisant à la formulation de la politique étrangère. L'auteur souscrit au second et montre qu'une diplomatie publique sur le modèle du Processus d'Ottawa pourrait sans doute enrichir la qualité et la vitalité des institutions démocratiques libérales. Par ailleurs, l'auteur ne trouve guère de preuves à l'appui de deux objections, en l'occurrence que primo, une politique étrangère d'origine consultative conduit à la cooptation d'organismes non gouvernementaux (ONG) et que secundo, la diplomatie publique fait que les décideurs deviennent virtuellement les « otages » des ONG.