Forum
2000 du PATDEC
Compte rendu officiel : Le financement du développement
Ce
compte rendu présente les délibérations d'un
atelier traitant des défis du financement du développement.
Cinq orateurs ont partagé leurs points de vue sur les diverses
dimensions de cette question.
Trouver
des ressources pour le développement des entreprises
Marty
Frost, consultant en DEC de la Colombie-Britannique, a campé
le décor devant lequel les groupes doivent évoluer
lorsquils cherchent à mettre sur pied une entreprise
communautaire. Pour ce faire, il sest inspiré de son
expérience du développement des coopératives
et de sa participation à Enterprising Non-Profits,
un projet exploratoire dans le cadre duquel 10 organismes sans but
lucratif (OSBL) ont cherché à mettre sur pied une
entreprise à but lucratif.
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Lun
des principaux défis que doivent relever les OSBL est de
trouver largent nécessaire à la création
de lentreprise proposée. Les institutions financières
classiques connaissent habituellement mal le « modèle
sans but lucratif » et ont peine à imaginer que de
tels organismes puissent devenir de solides partenaires financiers.
Étant donné quil existe toujours dautres
possibilités dinvestissement, plus classiques, il arrive
plus souvent quautrement que de tels investisseurs nétudient
pas vraiment sérieusement les propositions venant des OSBL.
Pour quon les prenne au sérieux, ces organismes doivent
consacrer du temps et des ressources supplémentaires pour
orienter les investisseurs éventuels vers leur travail.
Frost
fait remarquer que les OSBL ont tendance à obtenir plus de
succès auprès du nombre encore restreint mais de plus
en plus grand des « investisseurs sociaux », dont :
- Les fondations communautaires qui orientent les ressources
communautaires vers les besoins communautaires.
- Les Fonds dinvestissement alternatifs conçus
pour faire des investissements qui poursuivent des buts sociaux
bien définis par exemple le Worker Ownership
Development Fund.
- Les
investisseurs personnels qui cherchent activement des moyens
de mettre leurs ressources à profit pour atteindre des
buts non seulement économiques mais aussi sociaux.
- Les membres de la collectivité qui en viennent
à sidentifier à une initiative particulière
et à accepter dinvestir dans sa réussite :
par exemple le personnel de lOSBL qui crée lentreprise;
les membres dune collectivité qui se mobilisent pour
appuyer une entreprise locale importante; linvestisseur
« providentiel » inspiré par les buts dune
entreprise particulière.
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De
tels investisseurs tiennent compte de facteurs secondaires dans
leurs décisions dinvestissement. Tout en cherchant
un certain rendement de leur capital, les investisseurs sociaux
veulent aussi utiliser leurs investissements pour atteindre des
buts sociaux.
Les
investisseurs sociaux peuvent aussi jouer un rôle capital
en aidant un OSBL à obtenir des prêts de la part d'institutions
financières classiques. Bien que ces organismes puissent
obtenir des prêts hypothécaires de ces institutions
sans trop de difficulté, les prêts commerciaux ont
tendance à être plus difficiles à obtenir. Dans
certains cas, il faut que le projet fasse preuve dinnovation
et que linstitution prêteuse fasse preuve de souplesse
pour en arriver à des ententes fonctionnelles. M. Frost a
pris comme exemple un cas où plus dune trentaine de
personnes ont chacune donné en garantie un petit élément
dactif. Avec la collaboration de la caisse populaire locale,
lorganisme a obtenu un prêt unique grâce à
trente garanties distinctes.
Attentes
des bailleurs de fonds : Le point de vue de linvestisseur
social
David
Driscoll, directeur exécutif de la VanCity Community Foundation,
a traité du point de vue de linvestisseur social. Les
investisseurs sociaux tels que VanCity recherchent sciemment de
multiples résultats. Dans le cas de M. Driscoll, il sagit
de poursuivre des objectifs tels que léquité,
la solidarité et la justice sociale, en plus du rendement
financier de linvestissement. La constitution du capital social
les valeurs, les attitudes et les relations qui permettent
aux personnes de travailler ensemble pour le bien commun
est une étape qui précède le développement
du capital économique. Les investisseurs sociaux reconnaissent
ce fondement social et ont à cur de le renforcer au
moyen de leurs investissements.
En
traitant avec des investisseurs sociaux, M. Driscoll est davis
quil importe que les praticiens du DEC articulent clairement
le caractère distinctif de leurs travaux. Essentiellement,
les promoteurs du DEC « vendent » un produit; les investisseurs
sont les « acheteurs ». Les investisseurs doivent être
convaincus que les projets proposés permettront datteindre
les buts que poursuivent leurs investissements.
VanCity
évalue les investissements proposés en fonction de
deux ensembles déléments, dont lun porte
sur le « processus » et lautre sur le «
contenu ».
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Par
processus, on entend la façon dont les partenaires éventuels
pourraient se comporter durant le projet. VanCity veut savoir que
son partenaire agit de bonne foi. Pour confirmer cette bonne foi,
lorganisme tient à obtenir un plan dentreprise
bien réfléchi. Il recherche également ce que
M. Driscoll qualifie de « mutualité du risque »,
soit la volonté du partenaire dinvestir des ressources
dans son effort. VanCity sattend à ce que son partenaire
divulgue pleinement les renseignements pertinents nécessaires
à lévaluation de la viabilité et du cheminement
de lentreprise. Lorganisme doit pouvoir compter sur
le fait que, si le projet éprouvait des difficultés,
son partenaire relèverait les défis et respecterait
ses engagements dans toute la mesure du possible. Enfin, VanCity
sattend que les partenaires reconnaîtront leur contribution
mutuelle et que cette entreprise sociale sera à la fois valorisée
et célébrée.
Outre
ces considérations relatives au processus, VanCity sattend
néanmoins que le projet produise certains résultats
substantiels. Tout dabord, lorganisme espère
un certain niveau de rendement pour son investissement. Toutefois,
il sattend également à ce que ses investissements
contribuent au développement de la société
civile, y compris le renforcement de la capacité organisationnelle
et communautaire. On recherche également des avantages sociaux
bien définis dans des domaines comme le logement et lemploi.
Enfin, VanCity veut voir des preuves de la durabilité du
projet. L'organisme se perçoit comme engagé dans un
travail de « développement » et non d«
aide ». Il vise à renforcer la capacité des
particuliers, des organismes et des collectivités de répondre
de façon efficace à leurs propres besoins sur une
base continue.
Les
investisseurs classiques et le DEC : Faire le pont
Bien
que les investisseurs sociaux soient une source importante de financement
pour les entreprises de DEC, il ne faut pas pour autant faire fi
des investisseurs classiques. Après tout, les ressources
de ce marché dépassent, et de loin, celles qui sont
affectées aux investissements sociaux.
De
lavis de Joel Lebossé, les praticiens du DEC et les
investisseurs classiques sont séparés par un «
gouffre », les premiers étant axés sur le développement
social et les deuxièmes, sur le développement commercial.
À titre dancien banquier qui travaille maintenant très
souvent avec des groupes de DEC, M. Lebossé connaît
intimement les deux optiques. Il a présenté ses impressions
des deux réalités et a proposé des façons
de « faire le pont ».
Tout
en souscrivant aux propos de M. Frost sur le besoin dorienter
les investisseurs classiques vers le caractère distinctif
du travail de DEC, M. Lebossé a laissé entendre que
les groupes sans but lucratif pourraient tout dabord accroître
leur crédibilité auprès des investisseurs sur
des bases purement commerciales, avant daborder les questions
de développement social. Les gens daffaires traditionnels
considèrent souvent que le secteur sans but lucratif ne possède
pas lorganisation, le savoir-faire et la discipline nécessaires
à lexploitation efficace dune entreprise. Les
OSBL doivent faire leurs devoirs concernant le volet commercial
afin de pouvoir se faire entendre au sujet du volet social de leur
travail.
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Selon
M. Lebossé, un sondage réalisé auprès
des organismes communautaires du Québec a révélé
que leur principal problème était la communication
avec les institutions financières. Dans cette optique, la
différence de points de vue entre les « banquiers »
et les organismes sans but lucratif devrait être perçue
comme une possibilité dapprentissage. Il propose que
des banquiers soient mobilisés à titre de conseillers
susceptibles de faire profiter les travaux des OSBL de leur expertise
financière et commerciale. Il a rappelé aux participants
aux ateliers que les banquiers sont des citoyens qui partagent leurs
soucis au sujet des enjeux locaux, qui ont à cur de
contribuer à des projets communautaires et qui veulent voir
reconnaître leurs efforts. La création de liens avec
des personnes du secteur financier en fonction de leurs intérêts
et de leurs aptitudes jette les bases du respect, de la confiance
et de la compréhension mutuelle qui sont un préalable
à la formation de partenariats.
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Solutions
locales pour le financement du développement
Frustrées
de ne pouvoir obtenir du financement pour divers types de travaux
de DEC, de nombreuses collectivités ont choisi de créer
leurs propres institutions financières locales. Tout en aidant
à financer les activités de DEC, ces structures doivent
également lutter pour répondre à leurs propres
besoins financiers.
François
Lamontagne, consultant au New Economy Development Group, à
Ottawa, à présenté trois études de cas
du Canada Atlantique. La Société daide au développement
des collectivités de la péninsule acadienne (SADC),
au Nouveau-Brunswick, a vu le jour à titre de « Centre
de développement commercial » dans le cadre du Programme
daide au développement de la collectivité du
gouvernement fédéral. Le programme Banking Community
Assets (BCA) Holdings du cap Breton a vu le jour pour créer
de lemploi et préserver la propriété
locale des entreprises locales. Calmeadow Nova Scotia a vu le jour
à titre de tentative de donner plus dampleur à
une initiative de prêts entre pairs mise en place par la fondation
Calmeadow dans le comté de Shelburn, en Nouvelle-Écosse,
initiative qui avait connu énormément de succès.
Bien
que ces organismes possèdent des origines et des mandats
différents, ils ont dégagé certains enseignements
communs.
Les
institutions financières locales peuvent faire des contributions
considérables à l'économie locale. Par
exemple, de 1988 à 1998, la SADC a consenti 224 prêts
à des petites entreprises, a investi 7,4 millions de dollars
et a permis dobtenir 12,7 autres millions de dollars par effet
de levier; elle a créé 396 emplois (temps plein, temps
partiel et saisonniers) et en a préservé 1 017 autres.
Bien
que ce soit difficile, les institutions financières locales
peuvent atteindre un certain niveau dautonomie financière.
La SADC a reçu un modeste financement de base du gouvernement
fédéral durant une dizaine dannées, ce
qui lui a permis de fonctionner avec un personnel restreint mais
stable, et de bâtir graduellement son fonds dinvestissement.
Au cours des dernières années, elle a axé ses
investissements davantage sur les expansions et les consolidations
que sur les démarrages. Elle a également diversifié
ses revenus en passant des contrats dachat de services avec
les gouvernements fédéral et provincial. BCA, par
contre, na pas reçu de fonds du gouvernement pour ses
dépenses dexploitation. Elle fonctionne plutôt
avec un personnel minimal et sen remet en grande partie à
des bénévoles et à des partenariats stratégiques
avec dautres organismes locaux.
Laccès
aux bénévoles et la capacité de sassocier
avec des organismes communautaires en place contribuent à
lefficacité et à lefficience de ces institutions
financières. Les trois organismes ont tiré parti
de leur connaissance du milieu pour prendre des décisions
avisées en matière dinvestissement. Le partenariat
avec dautres organismes locaux a également permis de
réduire les frais de fonctionnement et dobtenir un
accès à du savoir-faire et à des infrastructures
allant de locaux pour des réunions à des services
de comptabilité.
Les
gouvernements peuvent faciliter le développement de telles
structures.
Ils peuvent offrir un soutien financier sur une période prolongée,
comme ils lont fait dans le cas dorganismes tels que
la SADC. Dans le cas de BCA, le gouvernement a financé létude
de faisabilité qui a débouché sur la création
de lorganisme. Il a également consenti un prêt
de 500 000 dollars sans intérêt sur cinq ans, qui a
permis à BCA de faire un certain nombre dinvestissements
initiaux.
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Il
faut toutefois souligner quil y a des limites à ce
que peuvent faire les institutions financières locales. Par
exemple, Calmeadow Nova Scotia a cherché à offrir
des services de microcrédit sur une base dautofinancement.
Malgré les efforts déployés pour rationaliser
les activités et diversifier les produits, lorganisme
na pu atteindre lautonomie financière. Les frais
dadministration des microprêts et du soutien personnel
et technique rendent difficile, sinon impossible, latteinte
de lautonomie financière pour de tels fonds. Il faut
souligner que la plupart des institutions financières locales
sont avant tout engagées dans le développement de
petites entreprises classiques et non dans le financement des plus
grandes entreprises à caractère communautaire.
À
cet égard, Joel Lebossé a ajouté que les caisses
de prêts communautaires sont de plus en plus tenues de fonctionner
comme des « fonds dinvestissement » plutôt
que comme les « fonds de développement » quils
sont, à son avis. Le soutien personnel et technique quoffrent
aux emprunteurs les caisses de prêts communautaires coûte
cher et les fonds ne peuvent espérer générer
suffisamment de revenus pour payer ces services. Il faut quil
y ait une autre source de financement pour payer ces frais de fonctionnement,
sinon le rôle qui donne à de tels fonds leur vraie
valeur est compromis.
Renforcer
la capacité et élargir la portée grâce
au travail de « collectivité à collectivité
»
Les
dernières présentations en atelier portaient sur les
stratégies visant à élargir la portée
du travail de DEC. Sandra Mark, qui a dirigé des organismes
de DEC (ODEC) à Ottawa et à Victoria, sait que de
nombreuses entreprises de DEC fort valables peuvent être créées
dans les grands centres urbains. La réussite de telles entreprises
est loin dêtre sûre, toutefois, à moins
quon ne dispose des infrastructures suffisantes pour les appuyer.
À son avis, il faut dans les villes des organisations analogues
aux sociétés daide au développement des
collectivités (SADC) qui agissent comme structures de développement
de base dans de nombreuses collectivités rurales. Reconnaissant
le fait quil y a plus dune façon de mettre en
place une telle structure, Mme Mark et ses collègues ont
choisi de ne pas concentrer toutes leurs énergies sur le
lobbying auprès du gouvernement. Ils ont plutôt pris
des mesures pour assurer la concertation entre les collectivités.
La SADC de Victoria et son homologue à New Westminster, la
New Westminster Community Development Society (NWCDS), ont amorcé
un dialogue avec des SADC du milieu rural de la Colombie-Britannique.
En
Colombie-Britannique, les SADC ont déjà pu accroître
leur influence et leur capacité en travaillant en partenariat.
Il y a plusieurs années, les SADC de toute la province ont
décidé de mettre en commun leur actif financier et
de créer un fonds denvergure unique auquel puise chaque
organisme. La SEDCO et la NWCDS voulaient savoir comment elles pourraient
sassocier à ce fonds.
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Au
fil des discussions, il est devenu évident que les SADC urbaines
et rurales pouvaient collaborer dans dautres domaines que
le seul secteur financier. Chacun possédait des sphères
de compétences et des expériences propres. Les ODEC
en milieu rural, par exemple, avaient acquis un savoir-faire dans
le domaine de linvestissement et des prêts tandis que
les ODEC en milieu urbain savaient comment assurer un soutien technique
à divers groupes marginalisés au sein de la collectivité.
Lélargissement du partenariat entre les SADC pourrait
comprendre le partage de ces capacités et lélargissement
encore plus grand de la portée du fonds.
Bien
quun accord définitif nait pas encore été
conclu, Mme Mark se dit optimiste quant à sa conclusion prochaine.
Elle souligne la valeur stratégique de la concertation des
collectivités. En mettant en commun leurs ressources, les
ODEC peuvent donner une ampleur telle à leurs activités
quelles attirent lattention des autres partenaires éventuels,
y compris les gouvernements et les sociétés. À
partir dune telle position de force, le secteur du DEC pourra
mieux attirer des ressources supplémentaires pour appuyer
ses travaux.
Ce
compte rendu a été rédigé par Eric Leviten,
adjoint à la recherche au Caledon Institute of Social Policy.
Panélistes
:
Marty
Frost, Human Ventures Consulting; David
Driscoll, VanCity Community Foundation; Joel
Lebossé, Pythagore; Sandra
Mark, Community ReGen Services; François
Lamontagne, Le Groupe ÉcoNov Développement Inc.
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